Ce JEUDI 24 Août 2023, une trentaine de scientifiques, personnalités ET militants du monde associatif CO-SIGNENT UNE TRIBUNE à l’attention du géant de la volaille LDC :
Aujourd’hui, dans un bâtiment anonyme de la zone industrielle de Sablé-sur-Sarthe (Pays de la Loire), un groupe agroalimentaire français tient son Assemblée générale dans la plus grande discrétion. Les actionnaires s’y félicitent de résultats financiers vertigineux, obtenus grâce aux pires méthodes de l’élevage intensif. Ce groupe méconnu du grand public s’appelle LDC, et c’est le n°1 de l’exploitation des animaux en France.
LDC, mastodonte de l’élevage intensif
En mai dernier, le groupe agroalimentaire annonçait des résultats nets de 224,7 millions d’euros sur son exercice 2022-2023, soit une hausse de 36 % par rapport à l’année passée. À l’issue du premier trimestre 2023-2024, la tendance se poursuit puisque le chiffre d’affaires a bondi de 12,4 % pour atteindre plus de 1,5 milliard d’euros, dans un contexte de crise économique et sanitaire inédit,.
Le groupe LDC est un habitué des chiffres démesurés. Composé des initiales de ses fondateurs, Lambert, Dodart et Chancereul, son nom en porte la trace : la famille Lambert, principale actionnaire, figure dans le classement des 200 plus grandes fortunes françaises.
L’un des secrets de ces résultats ? LDC mure la majorité des animaux en élevages intensifs : une manière d’optimiser les coûts, au détriment de toute responsabilité morale et sociétale. Ces derniers mois, des images de chevreaux, de poulets ou de lapins à l’agonie, tournées dans des élevages sous contrat avec le groupe, ont rappelé que de nombreuses espèces subissent la claustration et des densités d’élevage excessives.
Ce sont les résultats du pôle Volaille qui tirent les bénéfices de LDC à la hausse. Le groupe détient en effet 40 % du marché des oiseaux d’élevage, notamment des poulets dits « de chair ». En France, 741 millions de poulets sont abattus chaque année. Pour le groupe LDC, ils sont destinés à fournir des marques bien connues : Le Gaulois, Marie, ou encore Maître CoQ.
Une rentabilité basée sur la cruauté
La majorité des poulets élevés pour le groupe sont entassés à plus de 20 par mètre carré, dans des hangars fermés. Ils n’ont accès ni à la lumière naturelle, ni à l’air pur. Afin d’optimiser la vitesse de production de viande, LDC pousse la sélection génétique à son paroxysme en exploitant la souche Ross 308. Les poussins issus de cette « variété » atteignent leur taille adulte en 35 jours, soit une croissance 4 fois plus rapide qu’en 1950. Ces évolutions forcées causent de nombreuses pathologies : malformations, développement musculaire insuffisant, anomalies cardiaques, boiteries. Souvent, les poulets peinent à supporter leur propre poids. Certains, incapables d’atteindre mangeoires et abreuvoirs, meurent de faim ou de soif.
Si cette réalité est souvent ignorée, c’est que LDC entretient soigneusement le flou autour de ses méthodes. Le cahier des charges de son label « Nature d’Éleveurs », consacré à l’élevage de « volailles », fait commodément l’impasse sur les mesures qui pourraient concrètement soulager les animaux. Non, le seul ajout de perchoirs ou de blocs à picorer ne suffira pas à remédier à la souffrance provoquée par la surpopulation en bâtiment, les manipulations génétiques ou les violentes conditions d’abattage. Quant aux publicités pour Le Gaulois, Marie ou Maître CoQ, elles sont à la limite de l’indécence : on y voit des animaux s’ébrouer en plein air, se faire câliner ou encore danser le french cancan. Tristement ironique, face à la réalité des élevages « standard »…
Élevage intensif, dégâts humains
Le contrôle de l’image est crucial pour LDC, car 9 Français sur 10 déclarent s’opposer à l’élevage intensif. Qui aimerait savoir que la viande qu’il consomme est issue d’un modèle si cruel envers les animaux, et si néfaste pour l’environnement ? L’alimentation de poulets LDC contient du soja OGM importé du Brésil – la culture du soja pour l’alimentation animale constitue la principale cause de déforestation des forêts brésiliennes.
À proximité des exploitations du groupe, les riverains pâtissent également des modèles d’élevage privilégiés par LDC. Pollution des sols et des nappes phréatiques, odeurs nauséabondes, nuisances sonores, dévaluation des biens immobiliers… Les groupements d’habitants qui se mobilisent contre les élevages intensifs cherchent désespérément à se faire entendre des géants de l’agroalimentaire.
Quant aux éleveurs, leur situation est peu enviable. En France, ils sont tenus à la gorge par 259 270 € de dettes en moyenne. Non seulement les éleveurs en contrat d’intégration avec LDC devront s’endetter pour construire, agrandir ou rénover leurs poulaillers, mais ils devront, en sus, obéir au doigt et à l’œil des industriels. Ils ne décident ni de la souche des animaux ni de leurs conditions d’élevage. Pourtant, bien souvent ce sont eux qui assument les risques financiers : si le cheptel tombe malade, l’éleveur peut être amené à payer les conséquences du manque à gagner, malgré son endettement. Une injustice flagrante, quand on connaît le montant des bénéfices du groupe LDC.
Enfin, quid des risques avérés d’une mutation du virus de la grippe aviaire sous-tendus par la concentration extrême des oiseaux ? Diminuer les densités et le nombre d’animaux dans les élevages permettrait de limiter les zoonoses. Les experts estiment que le coût de la prévention et de la réduction des risques de pandémies est 100 fois moins élevé que le coût de la réponse à ces pandémies.
Il est urgent de réagir
Ni éleveurs, ni riverains, ni consommateurs n’ont d’intérêt à voir perdurer ces conditions d’élevage délétères, qui ne profitent qu’à une poignée de dirigeants et d’actionnaires. À l’heure où le corps scientifique soutient que les animaux sont des êtres sensibles, intelligents, doués de conscience et capables d’émotions, jamais la société n’a autant questionné le modèle prédominant de l’élevage intensif. En tant que leader dans ce domaine, LDC se doit de montrer l’exemple du changement.
Aujourd’hui, nous appelons ses actionnaires à considérer ceux qui subissent les pratiques du groupe, animaux comme humains. Il est urgent de prendre des mesures concrètes contre l’élevage intensif, a fortiori pour les poulets dit « de chair », et de repenser les conditions de travail des éleveurs pour épouser les attentes sociétales.
ARNAL Muriel, présidente fondatrice de One Voice
BARLERIN Laetitia, docteure vétérinaire et journaliste
BISMUTH Jérémy, FLAHAULT Laura et RASSI Hadi, de la série Ami des lobbies
BOVET Dalila, éthologue, professeur à l’Université Paris Nanterre
BURGAT Florence, directrice de recherche (ENS/INRAE)
CRONIER Nathalie, présidente de l’association Neuvy Nouvel Horizon
DEL AMO, Jean-Baptiste, écrivain
DUFAURE Esther, membre fondatrice de l’association Eaux Secours Agissons
DUPUIS Sandrine, présidente de l’association Bien Vivre à Saint Péreuse
FERNANDEZ Lisa, présidente de l’association Les 3 Dindes, Ferme-Refuge
FOMBONNE Jacques-Charles, président de la SPA
FRIGNET Jérôme, directeur programme de Greenpeace France
GABRIELE Gaëtan, activiste et créateur de contenu
GEINDREAU Léa, porte-parole d’Alternatiba Paris
GOSSELIN Michel, docteur en médecine et président de l’association Bressolles Bien Vivre
GOTHIÈRE Brigitte, directrice cofondatrice de L214
HOUPLON Pascal, président d’Aube-Durable
KENAN Galitt, directrice du Jane Goodall Institute France
LAHIANI Yves, docteur vétérinaire
LAMART Stéphane, président fondateur de l’Association Stéphane LAMART
MERSCH Manuel, docteur vétérinaire, président de l’OABA
MEURICE Guillaume, humoriste
NAYAK Lucie, chargée de sensibilisation & développement, Refuge GroinGroin
OECHSNER Magali, membre du collectif Non à la mégaporcherie
PELLUCHON Corine, philosophe, professeure à l’université Gustave Eiffel
PUVANESWARAN Vipulan, militant écologiste
RICARD Matthieu, docteur en génétique
SANVISENS Amandine, cofondatrice de PAZ
WAGNER Thomas, fondateur du média Bon Pote
ZUCCOLO Ghislain, directeur général de Welfarm – Protection mondiale des animaux de ferme